jeudi 26 août 2010

Le camp

C'est le bruit de la pluie sur la tente qui m'a réveillée. Son odeur, celle de la pluie, était déjà partout. Moisie, odeur accumulée de tous ces jours humides qui ne laissaient jamais à la toile assez de répit pour qu'elle puisse sécher. Je me souviens qu'au début, j'avais aimé ça. Les petits battements irréguliers des gouttes qui venaient se précipiter sur le double-toit tendu, ce sentiment d'être abritée, mais seulement de justesse. L'impression que le monde m'entourait intimement. L'inconfort était seulement la confirmation que nous étions au plus près de la nature. Et puis au fur et à mesure, mettre des vêtements déjà humides alors que le jour commence à peine, enfiler des bottes mouillées parce qu'elle n'ont pas été bien abritées, ne lever les yeux que vers un ciel gris, glisser dans la boue, s'acharner à démarrer un feu qui prend de plus en plus difficilement chaque jour, finalement renoncer et n'avoir rien pour se chauffer au matin, tout cela suffit à faire épuiser la bonne humeur, puis la patience, puis l'envie de continuer.
   Ce n'est pas que moi. Nous traînons toutes les pieds, mornes, nous ne chantons plus et plus personne ne prie.
   Nous étions seulement parties pour un camp. Il devait durer trois semaines, et nous avions prévu de nous déplacer tous les deux ou trois jours. Nous sommes arrivées sur notre premier lieu de camp, une prairie qui s'étendait à perte de vue. Nous avons bravement monté nos tentes, creusé un trou pour le feu, un trou à eaux grasses, des feuillées. Sur ce premier lieu, nous devions rester trois jours. Au matin du quatrième jour, nos affaires repliées nous sommes parties en direction du sud, pour retrouver la route. Il devait y en avoir pour une heure, une heure et demie. Au bout de deux heures, n'ayant pas trouvé de route nous nous sommes arrêtées pour vérifier nos directions, mais notre boussole et la carte nous ont confirmé que nous marchions bien dans le bon sens. Nous étions perplexes et un peu inquiètes, mais un pique-nique nous a ragaillardies, et nous sommes reparties pleines d'allant, en nous disant que la route ne devait plus être bien loin, et que nous avions juste dû traîner un peu.
   En milieu d'après midi, nous sommes tombées sur un trou rebouché, puis un deuxième et un troisième, et de l'herbe froissée qui gardait la marque de nos tentes. Nous ne voulions pas croire que nous étions revenues au point de départ, alors nous avons inventé des différences : « Nos tentes étaient plus éloignées l'une de l'autre, le trou pour le feu était un peu plus par là, et plus large... ». Et puis j'ai trouvé dans l'herbe une fourchette, marquée d'un dessin au vernis à ongles. Je la connaissais bien cette fourchette, elle avait fait tous les camps avec moi. Je m'en étais servie la veille au soir pour manger mes pâtes. J'ai poussé un peu dans la direction où s'était trouvé le point d'eau, et bientôt je l'ai vu. Pour moi, déjà, cela ne pouvait pas être ailleurs.
   Il y a eu un débat ce soir-là. Certaines soutenaient que nous avions dû nous tromper, que nous étions revenues sur nos pas après le pique-nique. Finalement nous nous sommes toutes laissées convaincre, parce que c'était ce qu'il y avait de plus facile à faire. Nous avons décidé de camper sur place et de repartir le lendemain matin, et cette fois de ne pas nous arrêter.
   Le cinquième matin fut fébrile. Il n'y eut pas de feu, nous étions seulement pressées de nous remettre en chemin. Malgré quelques protestations, j'ai décidé de planter dans le sol une branche à laquelle j'ai noué un vieux tee-shirt. Et puis, boussole, carte, nous sommes parties.
   Un peu après midi nous avons aperçu mon drapeau de fortune. Nous étions là bêtement autour de lui à nous regarder et, je le jure, j'ai cru que nous allions toutes devenir folles. Mais la raison s'est accrochée à nous et nous avons décidé de retenter le lendemain, dans une autre direction. Cette-fois nous gagnerions une autre route, par l'ouest.
   Nous avons tenté tous les points cardinaux, nous nous sommes épuisées à nier l'évidence. Et finalement un matin aucune de nous n'a plus voulu marcher, et nous sommes restées là. Ce matin-là, la pluie a commencé à tomber. C'était il y a sept semaines, et depuis il pleut tous les jours.
   Au début, à l'aide des guitares et des histoires à raconter, nous avions fait contre mauvaise fortune bon coeur. Nos proches savaient où nous étions, et en l'absence de nouvelles quelqu'un allait bien venir nous chercher. Nous refusions de penser à l'éventualité que qui que ce fut, nous ayant trouvé, se serait retrouvé coincé avec nous. Ou à celle, pire encore, que nous nous trouvions dans une bulle en dehors du reste du monde, introuvables. Nous refusâmes simplement de penser, mais ce genre de prouesse ne dure qu'un temps. Quand nous avons épuisé tous les chants et toutes les paroles, nous nous sommes tues.
   Récemment, nous avons négligé de retendre le double-toit, et la pluie commence à infiltrer la toile de tente. Je vois les taches d'eau s'agrandir au dessus de ma tête, et il y a déjà des gouttes qui tombent sur mon sac. Peu importe. Je ne sais pas pour les autres, mais moi j'ai décidé de dormir jusqu'à ce que le soleil revienne.

lundi 23 août 2010

Un autre texte

Celui-là n'a pas convaincu les habituées, mais ça vous fera quand même de la lecture, je sais que vous n'avez rien de mieux à faire, même si vous faites semblant.



Sam
  
Sam n'est pas un employé du bar. Les clients d'un soir pensent qu'il en est un, mais ils sont loin de la réalité. Sam se pointe quand il veut et va s'asseoir au piano, commande un verre qu'il pose dessus comme si l'instrument tout entier n'était que son sous-bock, et il joue. Il ne demande pas la permission. Il ne cherche pas l'approbation. Il ne se fait payer qu'en boissons, et récupère les pièces que des clients abandonnent dans son pot. Le patron se frotte les mains chaque fois qu'il l'aperçoit. Parce que chaque fois que Sam s'asseoit au piano, il sait que les gens vont souffrir, et les gens qui souffrent boivent beaucoup. En même temps le patron, quand Sam entre, il frissonne. Parce que personne n'aime les sentiments que Sam convoque avec les touches du piano. Ils viennent de loin, d'aussi loin qu'on a pu les refouler. Et qui a envie de voir ses émotions refoulées faire surface une à une, jusqu'à tout envahir ?
   Personne.
   Pourtant, quand Sam traverse le bar, avec ses chaussures qui claquent, quand il saisit son verre et s'asseoit sur le banc, personne ne l'arrête jamais. Sauf une fois. Une fois il y a eu ce type qui s'est jeté sur lui et l'a roué de coups. D'après ce qu'on a compris, le type avait failli mourir de suicide, et il était persuadé que c'était la faute de Sam. Sam ne s'est même pas défendu, et il a fallu que Mike, ce gros bras de barman, intervienne, pour foutre l'enragé dehors. Le gars a continué de gueuler dans la rue, jusqu'à ce que Sam couvre ses cris avec sa musique. Ah, ç'a été formidable, ce soir-là ! Sam était encore à moitié dans les vappes quand il a entamé son premier morceau, et la musique qui sortait du piano, c'était la transcription de la brume qui envahissait son cerveau. Je le sais bien, moi, j'ai déjà été là-bas une ou deux fois, au pays des sonnés, là où on croit qu'on peut marcher alors qu'on s'effondre. On en obtient généralement que du vertige et du vomi, mais Sam, ce qu'il nous en a fait, c'était la sublimation de toute ces saloperies. Il y avait du sang qui lui tombait du nez sur les touches et sur ses vêtements, alors qu'il se balançait d'avant en arrière, de droite et de gauche comme s'il était presque prêt à se jeter par terre, mais pas encore tout à fait. Pendant ce temps-là, au bar, les commandes se bousculaient tellement que Mike a dû appeler le patron en renfort, alors qu'il était de repos. Le patron n'a pas dû râler beaucoup, parce que quand Sam est là, il ne râle jamais. Ce n'est pas seulement la perspective d'empocher l'équivalent de deux ou trois services d'un coup qui lui ferme la gueule. C'est aussi, simplement, que la musique de Sam tout le monde la craint mais personne ne peut y résister.
   Sam est là ce soir, et il a déjà bu pas mal. C'est le plus terrible, quand il joue bourré. Les partitions s'en vont joncher le sol et se faire piétiner, quand Sam est bourré c'est son âme qui prend le contrôle de ses doigts, et elle n'a pas d'yeux pour regarder les notes. Même les morceaux qu'il connaît par coeur, son âme les interprète tellement qu'on y reconnaît plus qu'une vague mélodie. Les rythmes sont bouleversés, les notes ne sont pas forcément les bonnes, parce que contrôler des doigts où coule du sang épaissi par l'alcool, même pour une âme, c'est une tache difficile. Et puis il faut dire qu'elle n'est pas très regardante sur le respect des normes. On peut même avouer qu'elle s'en fout, des normes. Elle s'exprime.
   Tel qu'il est en ce moment, Sam, il ne sait même plus qu'il y a des gens autour de lui. C'est clair, ça se comprend à façon dont il s'abandonne. S'il dansait à poil sur son piano, il aurait l'air moins nu que maintenant. S'il pleurait à gros sanglots, il aurait l'air moins fragile. Ce qu'il nous fait là c'est du strip-tease tellement intégral que même les plus avides et les plus avertis ont envie de s'enfuir. Pourtant on est encore tous là. Depuis la première note, personne n'a tenté de partir. C'est trop tard. Si tu veux rester sain d'esprit, il faut sortir du bar dès que Sam passe le seuil, tu as encore un peu de temps pendant que Mike lui sert son bourbon, mais il faut courir.
   La musique de Sam, comme l'alcool, ça nous rend misérables, ça nous anéantit, mais on ne peut pas s'en passer. Elle réveille en nous tant de douleurs, de tristesse et de regrets, qu'on est persuadés, chacun de nous tous accoudés là comme des vieux décrépits, qu'elle nous parle personnellement. Je suis entouré de corps puants, ça ouais je les sens, ça ouais je les entends, pourtant je suis tout seul avec la musique. Ce qu'elle me dit, rien qu'à moi, c'est suffisant pour avoir une bonne idée de l'existence, à quoi ressemble la vie, et pourquoi elle est dure, et pourquoi je dois faire avec. Moi je suis comme les autres, ces idées-là quand elles me viennent je bois pour les faire partir, et plus je bois et plus elles sont fortes. Je ne me plains pas. Sam, avec ses conneries, il me rend vivant. Les sentiments qu'il va nous chercher loin au fond de son âme, ils nous déchirent peut-être, ils nous font pleurer pour sûr, ils nous font maudire le ciel et la Terre et les entrailles de nos mères, mais ils nous rendent la vie. La vie, c'est du poignant, et même si ça fait mal et même si on va s'évanouir sur le trottoir d'avoir voulu suivre Sam dans son délire, on aura appris un truc.
   Demain matin, on va détester Sam et on va détester l'alcool. Mais pas ce soir.

jeudi 19 août 2010

Un peu de lecture pour ceux qui s'ennuient

Le dernier debout

   On se sent fort quand on reste debout alors que les immeubles se sont écroulés. Sous les bombes et les coups de feu de l'univers, les pierres sont tombées, sur le sol s'étendent les ruines et les corps raidis, ceux des hommes, ceux des femmes, ceux des chats. J'avance sur les trottoirs défoncés et il n'y a personne d'autre. Les arbres sont tombés comme de simples feuilles, le ciel lui-même est tombé en pluie, en neige et en grélons tout à la fois, car plus rien n'est trop terrible pour être impossible.
   Quand je dis qu'il n'y a personne d'autre, c'est sans doute juste une impression, je suis sûr que certains asphyxient encore sous la terre, et que d'autres n'ont pas encore fini d'agoniser dans les décombres. Mais je me sais le dernier debout sur cette Terre. On ne peut pas manquer de reconnaître la fin du monde. J'ai toujours pensé qu'il y aurait une apocalypse, un anéantissement, l'idée que le monde puisse continuer à tourner sans jamais s'arrêter m'a toujours semblée plus effroyable encore que d'envisager une fin. Mais je ne m'étais pas imaginé ainsi, debout dans le chaos résultant de cette fin. J'étais certain que l'anéantissement était loin encore. Il nous restait de l'eau, il nous restait du pétrole, il nous restait de quoi vivre et nous entre-dévorer pour des décennies encore.
   Et bien non, c'est comme ça. Les comètes se sont précipitées sur nous, un grand feu a dévoré le ciel et dévoré la Terre, et personne n'était prêt. Moi, je me suis tenu là au milieu de l'avenue alors que les façades des bâtiments tremblaient et que les pierres se jetaient sur le sol tout autour de moi, j'ai senti les flammes m'entourer et me dévorer. J'ai senti mon corps se consumer alors que mes oreilles bourdonnaient du bruit de tout la ville en proie à la désolation. Et pourtant je suis là. Je ne sais pas à qui appartenait ce corps que je hante à présent. Un homme, en tout cas. Ce sont toujours des hommes.
   Je crois que mes restes calcinés sont mélangés à ces ruines dont je viens de m'extirper. Il y a peut-être un peu de ma cendre collées aux semelles de mes chaussures. Des baskets de mauvais goût. Pas le choix du corps, pas le choix des vêtements. Je me compte tout de même chanceux d'avoir pu me réfugier dans un organisme encore vivant. Ne pas chipoter pour des broutilles. Qu'est-il arrivé à la personne qui occupait ce corps, et dont j'ai usurpé la place d'ultime survivant ? Je ne veux pas le savoir. J'évite chaque fois de me poser la question, mais elle s'insinue néanmoins dans mon esprit. Conscience traitresse.
   De toute façon, ce n'est pas de ma faute. Je n'ai jamais demandé à recevoir cette faculté. Si j'avais été comme tout le monde, je serai mort pendant la Grande Guerre, et j'aurai su faire avec. Comme les autres. Mais ce jour là, alors que les obus pleuvaient, j'ai découvert que je ne mourrais pas simplement, en une seule fois, à la manière du reste de l'humanité. J'ai entendu le sifflement de l'obus juste avant qu'il vienne tomber dans mon refuge ridicule, un trou creusé par un de ses frères. Mon corps a été déchiré, brûlé, et projeté dans les airs, et j'ai senti des centaines de douleurs différentes. Puis j'ai ouvert les yeux et j'étais dans un autre trou semblable, un peu plus loin, vivant. J'ai cru à un miracle, et puis j'ai cru avoir halluciné ma mort. Cet autre corps épuisé, affamé et malade était si semblable au mien que je n'ai pas saisi la différence. Alors, quand on m'a ordonné de ramper hors du trou, je me suis exécuté. Je n'ai pas fait un mètre sur le sol tremblant qu'une mitrailleuse me tuait à nouveau. J'ai senti chaque balle. Le corps qui m'a furtivement abrité avant qu'un autre obus ne le pulvérise à son tour était fiévreux et déjà presque mort quand j'y suis entré. Je n'ai eu que quelque secondes pour me rendre compte que quelque chose n'était pas normal. Le monde était secoué par les explosions, assourdissant et insensé, et voilà que je perdais pied à l'intérieur. Douleur, et j'étais entouré d'allemands et mon doigt pressait encore la gachette pour tirer sur mes camarades qui tombaient de toutes parts. Cette fois-là, je n'ai pas cherché à comprendre, l'habitude a été la plus forte. J'ai tourné mon arme vers mon voisin et je l'ai descendu, puis un autre, et puis au milieu des cris de folie ma tête a explosé.
   Je ne sais pas combien de fois je suis mort ce jour-là. Au fil de mes soubresauts de corps en corps, mes esprits m'échappaient. Après les premières fois, ma frénésie de comprendre m'a abandonné. N'est restée que l'horreur de toutes mes morts, et la rage de rester en vie le plus longtemps possible, pour ne plus avoir à soufrir un trépas de plus. Finalement, je me suis retrouvé dans le corps d'un blessé qu'on emmenait à l'arrière. Cette mort-là fut la plus longue et la plus douloureuse, la plus angoissante. Je suis mort pendant des heures sous une tente emplie de puanteur et de cris de détresse. J'ai hérité du corps d'un infirmier de la Croix Rouge, et de là je me suis enfui.
   J'ai connu plusieurs décès malencoutreux. Pourtant, je n'ai jamais fait de folie sous prétexte de mon immortalité. Mourir est une expérience atroce et j'essaie au mieux de m'en garder.  Mais il faut croire que je suis malchanceux, car mes corps y sont tous passés avant leur heure. Une noyade, un incendie, une nouvelle guerre, un accident de voiture, et même une asphixie au monoxyde de carbone. Une femme a voulu m'assassiner une fois, mais elle m'a raté.
   Bon. Mais cette fois il va falloir la jouer fine. L'humanité est agonisante. Je ne voudrais pas me vanter, mais je pense bien que le corps que j'habite sera le seul à en réchapper.  Si je meurs maintenant, ce sera du sérieux. C'est bête. Au début, j'étais résigné à mourir une bonne fois pour toute au l'issue d'une vie à la durée conventionnelle, 70 ans peut-être. Jadis, je n'aurais jamais pensé connaître le troisième millénaire. Si l'on m'avait dit que je vivrais jusqu'à aujourd'hui, j'en aurais sans doute été émerveillé. Mais à présent, tout ce sursis me semble bien insuffisant. J'en veux plus. Après tout, je n'ai jamais pu vieillir. J'aimerais bien avoir la chance de mourir de vieillesse, pour ma dernière mort. C'est plutôt mal parti, avec le monde en si triste état. Je commence déjà à avoir faim et froid, comment vais-je pouvoir prendre soin de moi-même sans le secours du reste de la société ?
   Je suis partagé entre la gloire d'être le dernier homme sur Terre, et l'énormité de ce que je vais devoir accomplir pour retrouver un semblant de confort. En plus, ce corps, quoiqu'encore jeune, ne m'a pas l'air très endurci.
   Allons allons, haut les coeurs ! J'ai devant moi l'opportunité de vieillir et d'accomplir mon cycle de vie comme tout un chacun. Ce ne sera peut-être pas facile, mais je peux le faire. Je lève haut la tête et marche droit devant moi. Mes pieds glissent sur une flaque d'huile qui coule d'une voiture défoncée, je me sens tomber en arrière et une douleur fulgurante déchire mon crâne.

lundi 9 août 2010

Le Déchronologue

Aujourd'hui, la déchronique littéraire abordera Le Déchronologue, un roman, de Stéphane Beauverger.



La quatrième de couverture nous dit :
Au XVIIe siècle, sur la mer des Caraïbes, le capitaine Henri Villon et son équipage de pirates luttent pour préserver leur liberté dans un monde déchiré par d’impitoyables perturbations temporelles. Leur arme : le Déchronologue, un navire dont les canons tirent du temps...


Dans ce livre, on fait fi de la chronologie. Les chapitres s'enchaînent mais ne se suivent pas. Chaque nouveau début de chapître nous fait franchir un bond en avant ou en arrière dans la chronologie de l'histoire. Un processus qui peut paraître très destabilisant si l'on est un peu trop attaché à la linéarité du récit. Personnellement, je n'ai eu aucun problème à accepter cette particularité, qui fait le sel du roman.
Le style d'écriture est agréable et efficace quoique parfois un peu trop artificiel à mon goût. J'ai eu, au début, l'impression que l'auteur se forçait à adpoter le ton d'un flibustier du 17ème siècle, et que les tournures n'avaient pas grand-chose de naturel. Il me fallait peut-être simplement un temps d'adaptation, toujours est-il que la suite de la lecture a coulé toute seule pour la plus grande partie. J'ai apprécié la recherche : l'auteur nous décrit des caraïbes, des marins et des navires qui sonnent vrais, il dépeint très bien son univers, sans nous noyer non plus dans une masse de précisions ou descriptions inutiles.
La police d'écriture en revanche est la preuve qu'il n'est pas toujours bon de s'arracher aux conventions. J'ai trouvé très génant de devoir subir pendant tout le roman une police fantaisiste, qui donne l'impression que l'on tient entre les mains un tapuscrit auto-imprimé par un auteur collégien. Je trouve que c'est terriblement dommage, car la police est la première image du texte qui s'offre à nous, et celle-ci n'inspire guère confiance.
Comme je l'ai dit, je pense c'est surtout la forme inhabituelle du récit qui lui donne son intérêt. Je ne me suis pas particulièrement attachée au personnage principal ni à d'autres, et ses déboires ne m'ont pas fait frémir autant que je peux frémir lorsqu'un livre m'absorbe.
Un livre bien écrit donc, mais qui pour moi manque de quelque chose pour saisir le leceur et l'imprégner de son atmosphère.

Chez moi, il y a

Un merveilleux lots de tasses de collection, les tasses froissées de Revol. Il paraît que c'est tendance. Moi j'y avais droit, alors je les ai prises. Parce que c'est pas tous les jours que votre employeur fournit la vaisselle.


Essayez de contenir votre jalousie.

jeudi 5 août 2010

L'interview du futur

Une illustre revue littéraire : Et la question que tout le monde se pose : votre roman ne comporte aucune description... qu'est-ce qui vous a poussée à cette décision ? Etait-ce la volonté de décontenancer le lecteur en le maintenant dans un flou perpétuel ?

Moi : Non. C'était la flemme.

The Dark Tower

Vous n'y croyiez plus, et moi non plus, pourtant nous y sommes : aujourd'hui, ce blog ressucite. En effet, le dernier commentaire, posté par un petit plaisantin ou une petite plaisantine qui serait bien aimable de venir se dénoncer, ce commentaire disais-je, a ravivé en moi la flamme blogueuse. Nous allons donc parler, chers amis et de bien des choses !

Tout d'abord, figurez-vous que le mois de septembre verra mon retour à la fac, accompagné je l'espère d'un sursaut d'activité intellectuelle, dont le bouillonnement devrait venir régulièrement réchauffer les pages de ce blog qui a bien failli se trouver refroidi à jamais.

Allez allez, fi des grandiloquences, allons au vif du sujet. Et le vif du sujet, aujourd'hui, ce ne sont pas les mille et un rebondissements qui se cachent derrière le grand M jaune, ni la pénible convalescence de ma cheville entorsée, non, le vif du sujet aujourd'hui c'est l'oeuvre monumentale de Stephen King : The Dark Tower. Une saga de sept tomes que je range dans la catégorie Fantasy, bien que...




I The Gunslinger / Le Pistolero
II The Drawing of the Three / Les Trois Cartes
III The Waste Lands / Terres Perdues
IV Wizard and Glass / Magie et Cristal
V Wolves of the Calla / Les Loups de Calla
VI Song of Susannah / Le Chant de Susannah
VII The Dark Tower / La Tour Sombre

Au passage, il est remarquable de constater que la traduction français a eu a décence de conserver les titres dans leur essence, au lieu d'affubler les tomes de noms à consonnance mystérieuse et ridicule qui ne font référence à rien, comme c'est souvent le cas en Fantasy.

Allons-y : 
Roland, le dernier des Gunslingers et le dernier survivant de sa lignée, que dis-je, le dernier de tous ceux qui peuplaient autrefois sa région du monde, traverse un monde en déréliction, hostile, jonché des débris technologiques d'une civilisation disparue on ne sait pourquoi. Le temps s'y détraque et tout menace de s'écrouler s'il n'atteint pas son but : la Tour Sombre. Roland ne vit que pour elle, ne progresse que vers elle, infailliblement durant les centaines et les centaines de pages que durent son épopée -- car le récit est incontestablement épique. 
 Le monde de Roland est semblable à celui de nos Western, et Roland lui-même est, de l'aveu propre de son auteur, le fruit de l'imagerie de ces films où les personnages froids, secs et prompts à la gachette font pléthore. Ce n'est pas un héros créé pour inspirer l'amour ou la compassion. C'est un tueur buté qui n'a qu'un seul but en tête. On s'y attache malgré tout, ainsi qu'aux personnages colorés qu'il attire dans son récit.

 La description d'un monde où plus rien ne va droit, l'évolution remarquable des personnages, le mystère, le suspense à la Stephen King... cette saga regorge d'éléments aptes à vous y aspirer et ne plus vous laisser en ressortir.
 Cerise sur le gâteau, au fil de ce récit viennent se méler les intrigues, les personnages ou les lieux d'autres romans de Stephen King, ce qui rend la lecture à la fois délectable et effroyable pour qui est déjà familier de ses oeuvres. Retrouver subitement un élément d'une histoire que vous avez déjà lue contibue à créer une trame qui vous piège encore plus dans le récit. Stephen King, tout puissant, joue avec nos petits cerveaux. Je tiens à préciser malgré tout que l'histoire reste parfaitement compréhensible à quelqu'un qui n'a jamais lu un seul roman de King. On risque juste d'y perdre un peu de sel et de frémissements.

La complétion de cette saga a nécessité plus de 30 ans; le premier tome a été publié en 1982, et le dernier en 2004.  Dans le même temps, Stéphen King, en auteur prolifique, a publié de nombreux livres. C'est ainsi, que les récits se sont mélés, faisant de The Dark Tower le noyau autour duquel gravite l'oeuvre de King. Le plus terrible, c'est cette impression, exprimée par l'auteur lui-même, qu'il ne contrôle pas ces interactions, comme si les mystères et les entrelas du récit étaient pré-existants à son écriture. C'est un sentiment partagé par de nombreux auteurs (j'ose m'y compter), que celui de ne pas vraiment être maître de son propre récit. Il y a des choses que l'on écrit sans trop savoir pourquoi, sinon que l'on n'a pas trop le choix.